Bataille de Prokhorovka
Un char soviétique en flammes durant la bataille de Prokhorovka.
Date 12 juillet 1943.
Lieu Prokhorovka, Région de Koursk, 250 km au Nord
de Kharkov, RSFS de Russie, URSS.
Issue Défaite stratégique allemande.
Impasse d'un point de vue opérationnel mais reprise
définitive de l'initiative par les Soviétiques.
Belligérants
URSS Troisième Reich
Forces en présence
Front de Voronej: 2e SS-Panzerkorps: 1re division SS
1e Armée de chars. Leibstandarte Adolf Hitler.
69e Armée. 2e division SS Das Reich.
Front de la steppe: 3e Panzerdivision SS Totenkopf.
5e Armée de chars de la Garde.
18e Corps de chars.
29e Corps de chars.
5e Corps mécanisé de la Garde.
5e Armée de la Garde.
Pertes
5500 soldats 850 soldats SS
300 - 400 chars 70 - 100 chars
La bataille de Prokhorovka
La bataille de Prokhorovka fut une bataille livrée par la 4e Armée de Panzers de la Wehrmacht et la 5e armée de chars de la garde de l'Armée rouge sur le Front de l'Est durant la Seconde Guerre mondiale. Elle est considérée comme la plus grande bataille de chars de toute l'histoire militaire.
Le 5 juillet 1943, l'Oberkommando der Wehrmacht déclenche l'opération Citadelle. L'objectif du Haut Commandement allemand est de porter un coup fatal et décisif aux forces soviétiques sur le saillant de Koursk et ainsi de reprendre l'initiative sur le front de l'Est. Détruire l'Armée rouge permettrait à la Wehrmacht de reprendre l'offensive et mettre fin à sa situation de repli défensif. L'opération fut menée par cinq armées terrestres allemandes qui devaient prendre en tenaille et encercler les armées soviétiques sur chaque côté du front de Koursk. Le commandement suprême soviétique, la Stavka avait prévu l'attaque allemande et par conséquent prépara une défense en profondeur le long des lignes de front selon la stratégie militaire soviétique. Le maréchal de l'Union Soviétique Gueorgui Joukov convainquit Staline que l'Armée rouge devait maintenir une position défensive et user l'armée allemande. Quand les forces allemandes se seraient suffisamment épuisées à tenter de briser la défense soviétique, les Soviétiques lanceraient alors une contre-attaque avec leurs réserves situées à l'arrière pour venir à bout de la Wehrmacht affaiblie.
Dans le contexte de la bataille de Koursk, les forces allemandes avaient été stoppées dans le secteur nord, près d'Orel. Cependant, au sud, les formations de la Wehrmacht et des Waffen-SS avaient réalisé une profonde percée et s'étaient approchées de Prokhorovka. L'Armée rouge avait été contrainte d'engager ses troupes de réserve plus tôt que prévu pour contrer l'assaillant. Le conflit qui en résulta se produisit le 12 juillet 1943 et est aujourd'hui considéré comme l'une des plus grandes batailles de chars de toute l'histoire militaire.
Celle-ci se révéla décisive dans la poursuite de la guerre car elle constitua le tournant majeur, avec Stalingrad des opérations sur le front de l'Est. En effet, elle mit définitivement fin à toute offensive allemande et la contraignit par la suite, et cela jusqu'à la fin de la guerre, à opter pour un repli stratégique et défensif. Les forces allemandes ne cessèrent de reculer après cette bataille. Le point culminant et le résultat de cette bataille provoque encore aujourd'hui des contentieux et des désaccords entre historiens. L'assaut allemand échoua dans l'accomplissement de son objectif stratégique, mais obtint tout de même certaines victoires lors de plusieurs engagements tactiques. Les soviétiques connurent également des succès dans leur stratégie défensive et empêchèrent les formations allemandes de percer à travers leurs lignes. Néanmoins, les attaques soviétiques contre les positions allemandes furent repoussées. À la fin de la bataille, les deux armées avaient subi de lourdes pertes. Les divisions SS furent sévèrement touchées. Les pertes soviétiques furent plus importantes, mais les effectifs et les réserves de matériel supérieures en nombre permirent à l'Armée rouge de conserver l'initiative stratégique et opérationnelle.
À l'est, la 7e armée de la Garde met en difficulté les divisions de Kempf, après leur traversée du Donets, découvrant le flanc droit de la 4e armée blindée. Alors en pointe, l'offensive allemande entière semble s'enliser. Malgré tout, la menace d'une percée reste préoccupante pour la Stavka et celle-ci décide de déployer des troupes initialement planifiées pour n'être utilisées que dans la contre-offensive et ce afin de renforcer la 6e armée de la Garde et donner un coup d'arrêt définitif à l'avancée allemande. La 5e armée blindée de la Garde, renforcée par deux corps blindés indépendants, se déploie donc, le 12 juillet, à l'est de Prokhorovka et se prépare à contre-attaquer sur le flanc du IIe SS Panzer Korps. La bataille qui en résulte est connue sous le nom de bataille de Prokhorovka. Les 12 et 13 juillet, dans la plaine située près du nœud ferroviaire de Prokhorovka, avec l'affrontement de 1 500 chars dont une centaine de chars Mark VI Tiger (char de 56 t doté d'un redoutable canon de 88 mm et d'un blindage frontal de 10 cm) se déroule sur un territoire de vingt kilomètres carrés la plus grande bataille de chars de l'histoire.
Le choc est titanesque. À bord de son Stuka, Hans Rudel le découvre dans toute son ampleur :
Sur la terre ferme, à perte de vue, se déroulent de gigantesques combats de chars. Dans de vastes espaces découverts, des masses compactes de blindés se font face, comme sur un champ de manœuvre. Beaucoup plus redoutables que les tanks des Russes sont leurs canons antichars, très puissants et remarquablement précis. L'armée soviétique doit disposer d'énormes quantités de ces canons, car on les trouve à tous les points névralgiques de l'immense champ de bataille.
Mémorial sur le champ de bataille de Prokhorovka
Mémoriaux
A Prokhorovka, un grand obélisque (voir photographie ci-contre) rappelle la bataille. Il est souvent le site de cérémonies, auxquelles prennent part de hautes personnalités politiques russes. Le lieu de la bataille est considéré comme un monument dédié à la victoire de l'Armée rouge sur l'Allemagne nazie. En témoigne également le (Diorama), un musée de Belgorod.
Les contre-offensives soviétiques
Au sud, l'Armée rouge aura besoin de plus de temps pour attaquer car ses troupes ont beaucoup plus souffert. Néanmoins, le 3 août, le front de la Steppe déclenche l'opération Polkovodets Rumyantsev en direction de Belgorod puis de Kharkov. Appuyée par des attaques de diversion plus au sud, à travers le Mius, elle avance assez rapidement. Belgorod et Orel tombent le 5 août 1943. Les faubourgs de Kharkov sont atteints le 11 août. La bataille pour la ville est acharnée et dure douze jours. Enveloppée par le front de Voronej et celui du front de la steppe, la ville finit par tomber le 23 août à midi, une grande partie des défenseurs étant mis hors de combat. Cette victoire soviétique, bien que coûteuse, oblige les Allemands à replier leur défense derrière le Dniepr dès le 20 août. Ce repli débouchera au cours de l'automne sur la terrible et sanglante bataille du Dniepr puis la libération de Kiev le 5 novembre. Du côté soviétique, les libérations de Belgorod et d'Orel furent l'occasion d'inaugurer une nouvelle tradition, les les salves de la victoire. l'Union soviétique salue désormais à Moscou la libération de villes importantes par des salves d'artillerie. La prise de Kharkov, ville stratégique d'Ukraine, qu’Hitler disait qu'il défendrait à tout prix, est aussi une victoire majeure car le bassin industriel qui l'entoure faisait cruellement défaut à l'URSS depuis 1941.
L'échec allemand de Koursk fut pratiquement passé sous silence par la propagande du régime de Berlin. Du côté soviétique, le gigantesque engagement de Koursk fut longtemps l'objet d'une propagande productrice de légendes qui pour beaucoup tournent autour de la bataille de Prokhorovka. Avec l'ouverture des archives de l'ex-Union soviétique, une réalité plus nuancée se fait jour. Le combat fut souvent davantage un affrontement entre les meilleures formations mécanisées de la Wehrmacht et une infanterie soviétique bien organisée. Certains auteurs ont vu dans le débarquement en Sicile la raison principale de l'arrêt de l'offensive. Mais il semble que les conséquences tactiques sur le front de l'est de cette opération amphibie soient imperceptibles. En pratique, seule la division Leibstandarte Adolf Hitler (LSSAH) sera envoyée vers l'Ouest, après avoir laissé son matériel sur place. L'échec de Zitadelle est donc bien la conséquence des pertes subies par la Wehrmacht qui même si elles sont inférieures à celle de l'Armée rouge, ne sont ni supportables ni compensables rapidement. Les Soviétiques vont eux montrer qu'ils peuvent récupérer plus vite leur capacité offensive malgré leurs lourdes pertes précédentes. Les armées du Troisième Reich n'arriveront jamais à reconstituer leur potentiel pour influer sur les événements. Elles devront dorénavant subir l'action sur l'ensemble du front.
La cathédrale de Prokhorovka sur l'ancien champ de bataille, lieu de commémoration des soldats de l'Armée rouge morts au combat et de la victoire de la 5e Armée de chars de la Garde.
Sur le plan stratégique et opérationnel, le résultat est une incontestable victoire soviétique. L'énorme effort industriel et humain consenti par le Troisième Reich nazi pour concentrer des forces maximum et emporter la décision à Koursk est réduit à néant. Les objectifs fixés n'ont même pas été approchés, et, pire, pour la première fois les Soviétiques ont avancé durant les mois d'été. Ce simple fait renforce grandement le moral de l'Armée rouge qui va, dès lors, reprendre confiance en elle. Du côté allemand, elle finit de convaincre les derniers optimistes que la guerre à l'est est définitivement perdue. Certes, l'Armée rouge a subi des pertes supérieures de plus du double à celles de la Wehrmacht mais le ratio est de loin inférieur à celui qu'elle subissait auparavant. Par ailleurs, l'ouverture d'un nouveau front en Italie présage pour l'état-major allemand de futurs choix difficiles et une dispersion des troupes. Le résultat est donc sans appel. Jamais plus la Wehrmacht ne pourra reprendre l'initiative sur le front principal du second conflit mondial. Elle devra se contenter de subir les initiatives soviétiques.
À l'échelle tactique, la supériorité allemande est encore sensible mais l'Armée rouge a réalisé de grands progrès dans de nombreux domaines. Le plus important d'entre eux est l'accroissement de la résistance de son infanterie en défense. Les unités tenant le front, face aux attaques allemandes, ont résisté pendant près d'une semaine, en rase campagne en saison estivale, à la pression des meilleures unités allemandes sans se faire ni déborder ni annihiler. Les années précédentes elles auraient tenu au plus deux jours. Les nouvelles tactiques mises au point au cours de la bataille de Stalingrad arrivent à maturité. Les positions sont moins lâches qu'auparavant, pouvant se couvrir mutuellement de leur feu, elles sont reliées de façon systématique par des tranchées de liaison, permettant l'arrivée des renforts ou le repli sur de positions vers l'arrière. L'adversaire est canalisé, par l'emploi de champs de mine et du terrain vers de véritables poches de destruction où il subit des tirs croisés et un bombardement d'artillerie. Contrairement aux années précédentes, les unités isolées par des pointes blindées ne se laissent pas enfermer. Elles s'exfiltrent la nuit venue pour reprendre leur place dans la défense le lendemain. Les cadres, même aux plus bas échelons, commencent à faire preuve d'initiative et d'expérience. Les opérations offensives sont encore à la traîne mais les progrès seront rapides par la suite.
Dans le domaine aérien, le progrès est aussi sensible, la VVS a tenu tête à la Luftwaffe. Elle a été globalement dominée mais elle n'a pas été balayée du ciel dans les premiers jours comme auparavant. L'arrivée de nouveaux chasseurs encore plus compétitifs et une agressivité encore accrue de la part des pilotes vont lui permettre de s'imposer enfin, par le nombre, et bientôt la Jadgwaffe sera incapable de l'empêcher de peser massivement sur les combats au sol. Dans le domaine des blindés, par contre, les résultats ont été plus catastrophiques. Les T-34/76 et KV-1 ont montré leurs limites. Presqu'invulnérables en 1941, ils ne le sont plus deux ans plus tard. Leur puissance de feu et leur conception sont devenus obsolètes, comme par exemple les tourelles biplaces. L'arrivée et la mise au point de nouveaux modèles demandera encore du temps et ce sera clairement la faiblesse de l'Armée rouge jusqu'au printemps 1944. Le déploiement massif de T-34/85 et de JS-2 donnera alors aux Soviétiques, l'élément offensif qui leur manquait encore.
Pour ce qui concerne les pertes, il convient d'être prudent quant aux chiffres fournis par les belligérants. L'option la plus sûre étant de ne prendre en compte que les pertes admises par chacun des deux adversaires et d'ignorer celles qu'ils pensent avoir infligé. Le général Krivosheev donne les chiffres suivants sur l'Armée rouge, mais seulement pour la partie défensive de la bataille : 70 330 tués et 107 517 blessés et malades. Pendant la même phase, les Allemands eurent eux 24 758 tués, 23 356 blessés et 987 manquants. L'offensive vers Orel, au nord du saillant, elle, coûta 112 529 tués et 317 361 blessés et malades aux Soviétiques. Au total, ce choc de titans se solde le 14 juillet 1943 par l'échec de l’armée blindée allemande et pour l’infanterie hitlérienne, c’est un bain de sang : 90 000 tués pour l'ensemble de l'opération. Sur les 70 divisions engagées dans la zone de Koursk, 30 sont anéanties dont sept de panzers. Les régiments de Sturmovik (avion chasseur de char), volant en attaque souvent à moins de 20 mètres du sol, revendiquent le quasi-anéantissement des 3e, 9e et 12e divisions blindées du Reich. En cinquante jours de combats, la Wehrmacht perd en effectifs 500 000 hommes (tués, blessés et grièvement blessés, disparus), près de 1 200 chars et environ 2 000 avions. L’Armée rouge compte plus de 200 000 tués et ses pertes en blindés sont supérieures à celles de l’ennemi tandis qu'elle perd plus de 2 800 avions, mais elle a vaincu. Sans interruption, dès le 12 juillet, l’Armée rouge enchaîne dans la foulée de sa victoire le démarrage de la sanglante bataille du Dniepr.
Il est aussi fort possible que l'offensive alternative prônée par Manstein fût vouée à l'échec, du fait que les Soviétiques recevaient des Britanniques (Kim Philby) tous les plans de bataille des Allemands grâce à leur décryptage du code Enigma (malgré l'opposition de Churchill qui craignait de « griller » cette formidable source de renseignements stratégiques). Ainsi l'effet de surprise si nécessaire pour la Blitzkrieg ne pouvait plus jouer. À Koursk, les terrains sur lesquels les divisions blindées devaient avancer avaient été minés, beaucoup d'endroits auparavant déserts lors de la rédaction du plan étaient fortifiés, avec des fils barbelés bloquant l'avancée de l'infanterie, et des tranchées soutenues par de l'artillerie lourde.
Après Stalingrad, Koursk met fin, définitivement, à toute prétention hégémonique de la Wehrmacht en Russie.
Il est aussi fort possible que l'offensive alternative prônée par Manstein fût vouée à l'échec, du fait que les Soviétiques recevaient des Britanniques (Kim Philby) tous les plans de bataille des Allemands grâce à leur décryptage du code Enigma (malgré l'opposition de Churchill qui craignait de « griller » cette formidable source de renseignements stratégiques). Ainsi l'effet de surprise si nécessaire pour la Blitzkrieg ne pouvait plus jouer. À Koursk, les terrains sur lesquels les divisions blindées devaient avancer avaient été minés, beaucoup d'endroits auparavant déserts lors de la rédaction du plan étaient fortifiés, avec des fils barbelés bloquant l'avancée de l'infanterie, et des tranchées soutenues par de l'artillerie lourde.
Après Stalingrad, Koursk met fin, définitivement, à toute prétention hégémonique de la Wehrmacht en Russie. Après la destruction de la 6e Armée de Paulus dans le brasier de Stalingrad, la contre- offensive soviétique de l'été et l'automne 1943, et l'échec de l'offensive allemande (Zitadelle), les pertes atteignient un niveau sans précdent. Entre novembre 1942 et octobre 1943, la Wehrmacht perd nettement plus de 1 500 000 hommes dont près de 700 000 de façon définitive.. O Bartov.
Si la bataille de Stalingrad représente le véritable tournant psychologique du second conflit mondial avec la fin du mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht, Koursk signifie le basculement définitif de l'armée allemande et de ses alliés dans un rôle défensif dont ils ne pourront plus s'extraire jusqu'à la conquête de Berlin par l'Armée rouge en mai 1945.
Si la bataille de Stalingrad représente le véritable tournant psychologique du second conflit mondial avec la fin du mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht, Koursk signifie le basculement définitif de l'armée allemande et de ses alliés dans un rôle défensif dont ils ne pourront plus s'extraire jusqu'à la conquête de Berlin par l'Armée rouge en mai 1945.