Bataille de Stalingrad 2e partie
Les conséquences
Un aspect de Stalingrad après la bataille.
Bien que le général Paulus ait tenu, un temps, les neuf dixièmes de la ville, les forces de l'Axe furent impuissantes face à l'extraordinaire force morale des Soviétiques et à leur tactique d'encerclement. Cette dernière s'inspire d'ailleurs peut-être de celle utilisée au XIIIe siècle par le prince russo-Varègue Alexandre Nevski, dont l'exploit face aux chevaliers teutoniques, porté à l'écran par Sergueï Eisenstein en 1938, avait été, sur ordre de Staline et dans un souci de propagande antigermanique, diffusé très largement dans l'URSS après la rupture du Pacte germano-soviétique.
La bataille de Stalingrad est un événement majeur de la 2e Guerre mondiale, car il marque le tournant de la guerre : pour les Allemands, jusque-là presque invaincus (hormis en Afrique du Nord et en Angleterre), c'est le début de la fin.
Cette lueur d'espoir au plus fort de la guerre a profondément marqué les populations d'Europe et contribué au prestige soviétique au lendemain de la guerre. À la Libération, pour la plupart des Français, la contre-attaque soviétique qui avait suivi la victoire de Stalingrad avait autant contribué à la Libération européenne que le débarquement anglo-américain en Normandie. Aujourd'hui, le souvenir de Stalingrad s'efface devant celui du débarquement du fait de l'effondrement de l'URSS et de la connotation péjorative du nom « Staline ». Néanmoins, les nombreuses « avenues Stalingrad » de même que la station de métro parisienne éponyme sont bien une preuve de l'impact psychologique de cette bataille, et non la marque d'un attachement à l'idéologie stalinienne.
Conditions de combats
Sniper allemand en position à Stalingrad ; photo prise en septembre 1942.
Les conditions dans lesquelles les combattants des deux camps prirent part à la bataille étaient extrêmes, et ont donné une dimension jusqu'alors inconnue à la guerre urbaine.
Pour les Russes encerclés dans Stalingrad, la principale difficulté tactique est l'obstacle constitué par la Volga, rendant périlleuses les traversées pour ravitailler les troupes. En de nombreux points, l'armée allemande peut atteindre en tir direct, à la mitrailleuse ou au canon, les convois d'embarcations hétéroclites opérant la jonction. Un nombre important de soldats arrivant en renfort sont ainsi tués pendant la traversée. Celle-ci est rendue encore plus difficile au moment des premières glaces en novembre.
Vassili Zaïtsev (1942).
Les postes de commandement soviétiques sur la rive occidentale sont dangereusement proches des combats. En au moins une occasion, la garde rapprochée de Vassili Tchouïkov, commandant de la 62e armée, doit se battre face à une attaque des Allemands. Au plus fort de l'avancée allemande, les têtes de ponts soviétiques sur la rive occidentale ne sont profondes que de quelques centaines de mètres, obligeant les Katiouchas à reculer jusqu'à la dernière extrémité de la berge pour tirer sur les premières lignes allemandes.
C'est à Stalingrad qu'on voit émerger le rôle important d'un nouveau type de combattant, le tireur embusqué (ou sniper), dont « Zikan », un tireur inconnu, qui tue 224 Allemands et Vassili Zaïtsev, berger ouralien qui compte à son actif 225 tués lors de la bataille. Ce sont des tireurs d'élite qui visent discrètement leurs victimes à grande distance et les tuent ou les blessent assez gravement pour que leurs camarades tentent de les secourir et donc s'exposent. De tels combattants sont érigés en héros par la propagande soviétique. Ce climat de crainte permanente contribue à saper le moral des combattants de l’Axe.
Au sein de la 64e armée un autre tireur nommé Kovbassa (ce qui veut dire saucisse en ukrainien) était connu pour travailler à partir de trois tranchées reliées entre elles ; une pour dormir et deux pour tirer.
Il creusait de plus, à côté de son repaire, de fausses tranchées où il installait des drapeaux blancs attachés à des leviers qu'il pouvait actionner à distance par un système de ficelles. Il prétendait que lorsqu'un Allemand voyait s'agiter l'un de ces drapeaux blancs, il ne pouvait résister à la tentation de se dresser dans sa propre tranchée en criant : " Rus, komm, komm ! ". A ce moment, Kovbassa l'abattait.
De groupes de snipers soviétiques sont formé sur le front de Stalingrad
Installé dans un grenier, le sergent-chef Dolimine, de la 13e Division de fusiliers de la Garde, élimina tous les servants d'une mitrailleuse et d'un canon de campagne. Toutefois, les cibles les plus recherchées demeuraient les observateurs d'artillerie allemande.
Le caporal Stoudentov resta deux jours à l'affût d'un officier observateur avant de l'abattre du premier coup de feu. Stoudentov, qui en était à 124 victimes, s'était juré d'atteindre les 170 pour l'anniversaire de la Révolution.
Civils dans Stalingrad en ruines.
L'extrême dureté des combats incite la majorité des combattants russes à consommer d'importantes quantités de vodka. Chaque unité devant recevoir une ration par soldat, nombre de commandants d'unités dissimulent les pertes, les vivants pouvant ainsi se partager les rations des morts. En plusieurs occasions, des soldats russes ingèrent du liquide antigel et autres produits chimiques contenant de l'alcool, ce qui coûte la vie à plusieurs d'entre eux.
Lorsque les usines ne sont plus en état de produire, plusieurs milliers de civils, essentiellement des enfants et des vieillards restent dans la ville, y compris au plus fort des combats. Outre la menace constante d'être tué par un obus ou une balle perdue, la famine fait des ravages parmi cette population bloquée sur place.
Pertes
La bataille de Stalingrad est la plus sanglante et la plus coûteuse en vies humaines de toute l'histoire militaire. La Wehrmacht perd 380 000 tués, blessés et prisonniers. Les Soviétiques perdent 487 000 tués et 629 000 blessés.
Offensive allemande sur Stalingrad en 1942
Soldats allemands dans Stalingrad. Le drapeau sur le char servait pour à se faire reconnaître par la Luftwaffe.
Soldats soviétiques montant à l'assaut
Canon soviétique en action dans Stalingrad
Soldats allemands dans les ruines de Stalingrad
Contre-offensive soviétique à Stalingrad
Soldats soviétiques
Un soldat soviétique soigne un de ses compagnons blessé
La ville de Stalingrad en ruines
Les blessés à Stalingrad
Plus épouvantable encore était ce qui se déroulait dans les hôpitaux de campagne. Ici, tout déborde, racontait un sous-officier atteint d'une grave jaunisse. Les malades et les hommes légèrement blessés doivent se trouver un gîte eux- mêmes. Il devait, pour sa part, passer la nuit dans la neige.
D'autres souffraient beaucoup plus encore. Des camions restaient parqués dans la boue devant l'hôpital, encore chargés de blessés couverts de pansements, avec, au milieu d'eux, des cadavres que nul ne s'était soucié de faire enlever. Les chauffeurs avaient disparus, médecins et infirmiers étaient trop occupés à l'intérieur, et les soldats qui passaient à proximité ignoraient les appels à l'aide de ces hommes à qui personne n'avait donné à boire où à manger.
Les pseudo-malades ou même les blessés en état de marcher qui tentaient de se faire admettre à l'hôpital étaient directement expédiés à un sous-officier chargé de reformer des unités combattantes de fortune. Les hommes atteints de gelures étaient, sauf cas très grave, pansés et renvoyés au front.
L’intérieur de l'hôpital les patients sommeillaient dans un air raréfié et humide. Ils avaient du mal à respirer, mais, au moins, une certaine chaleur régnait. Les infirmiers ôtaient les pansements mis sur le terrain, dont beaucoup grouillaient déjà de vermine, nettoyaient les plaies et les pansaient de nouveau, après une piqûre anti- tétanique.
Les chances de survie d'un homme dépendaient moins du type de projectile qui l'avait frappé que de l'emplacement de sa blessure.
Le triage s'opérait immédiatement. Les hommes souffrant de blessures graves à la tête ou a l'abdomen étaient mis de côté et abandonnés à leur sort, car, pour eux, une opération eût exigé une équipe chirurgicale complète et une heure et demie à deux heures, avec seulement une chance sur deux de survie.
En cette période, les services de secours étaient si bondées que les blessés devaient partager leurs couchettes. Souvent quand un homme très grièvement atteint arrivait, porté par ses camarades, le médecin renvoyait ceux-ci, car il avait déjà trop de cas désespérés à traiter.
Devant tant de souffrances, racontait un sergent de la Luftwaffe, tant d'hommes en proie à d'atroces douleurs, tant de morts, convaincus qu'il n'y avait rien à faire, nous remmenâmes sans un mot notre lieutenant avec nous. Nul ne saura jamais les noms de tous ces malheureux, qui blottis les uns contre les autres sur le sol, perdant leur sang, gelés, moururent finalement parce qu'on ne pouvait leur porter secours.
Le manque de plâtre faisait que certains médecins devaient maintenir les membres fracturés avec du papier. Le nombre de décès par choc postopératoire s'élevait régulièrement, de même que celui des cas de diphtérie. La vermine et les poux grouillaient sur les blessés.
Sur la table d'opération, déclarait un médecin, nous devions gratter la vermine sur les uniformes et la peau avec une spatule avant de la jeter au feu. Nous devions également retirer les poux des sourcils et des barbes, où ils se trouvaient en grappes.
Les quadrimoteurs Focke-Wulf Condor dont quelques-uns furent mis en service à partir de la deuxième semaine de janvier, pouvaient accueillir des blessés bien plus nombreux. Ils étaient, toutefois, extrêmement vulnérables lorsqu'ils étaient surchargés.
Un sergent de la 9e Division de DCA assista ainsi à la fin d'un Condor à bord duquel deux de ses camarades blessés venaient d'être chargés. Comme l'avion gagnait de l'altitude après le décollage, sa malheureuse cargaison humaine dut glisser vers le
bas, car la queue de l'appareil s'abaissa soudain. Les moteurs se mirent à hurler, tandis que le nez de l'avion pointait presque à la verticale vers le ciel. Puis l'appareil retomba vers le sol, juste au-delà des limites de la base, se transforma en une boule de feu et explosa avec un bruit terrifiant.
A pitommik, un concours de circonstances pouvait sauver la vie d'un homme, tandis que des centaines d'autres restaient à agoniser dans la neige. Alois Dorner, un artilleur servant avec la 44e division d'infanterie, blessé à la main et à la cuisse gauche par des éclats d'obus, racontait :
C'est le pire spectacle de misère que j'ai connu de toute ma vie, accompagné par les gémissements sans fin d'hommes blessés ou mourants dont la plupart n'avaient rien eu à manger depuis des jours. On ne nourrissait plus les blessés. Les vivres étaient réservés aux hommes en état de combattre.
Dorner, qui n'avait rien mangé depuis le 9 janvier paraissait également condamné, quand, durant la soirée du 13, le pilote autrichien d'un Heinkel 111 passa à côté de lui et se trouva à lui demander d'où il venait. Je suis de la région d'Amstetten, répondit-il. Son compatriote appela alors à l'aide un membre de son équipage, et, à deux, ils transportèrent Dorner Jusqu'à leur avion.
Rencontre avec Hitler
Behr commença à parler, et Hitler à sa surprise, ne tenta aucunement de l'interrompre. Le jeune officier (bas, gauche) n'épargna à son auditoire aucun détail, pas même le nombre croissant de soldats allemands désertant pour gagner les lignes russes. De derrière le dos d'Hitler, le maréchal Keitel, hors de lui, faisait des signes menaçants à Behr pour essayer de lui imposer silence.
Mais Behr poursuivait implacablement son effrayante description. Il avait en tête tous les chiffres concernant le ravitaillement aérien. Hitler lui demanda s'il était bien sûr de certains, et lorsqu'il répondit par l'affirmative, le Führer se tourna vers un général de la Luftwaffe et l'invita à expliquer les anomalies statistiques.
Quelques officiers supérieurs tentèrent alors de désamorcer les critiques de Behr mais Hitler se révéla étonnamment compréhensif, sans doute parce qu'il voulait apparaître comme le défenseur des combattants de Stalingrad face à l'état-major. Toutefois, lorsque Behr en vint à la situation à laquelle devait faire face la Sixième armée, il revint, comme si rien n'avait changé, à la grande carte piquée de petits drapeaux. Behr savait que ces drapeaux représentaient en fait des divisions ne comportant plus que quelques centaines d'hommes.
Néanmoins, Hitler s'employa, selon, son procédé habituel, à retourner la situation, ou tout au moins le tableau qui en était présenté. Il alla jusqu'à affirmer qu'une armée blindée SS tout entière se groupait déjà autour de Kharkov, prête à frapper en direction de Stalingrad.
Je vis alors, devait-il raconter, qu'il avait perdu contact avec la réalité. Il vivait dans un monde imaginaire de cartes et de petits drapeaux. Pour Behr qui était un jeune officier allemand nationaliste et enthousiaste cette révélation fut un choc. C'était, déclara-t-il, la fin de toutes mes illusions sur Hitler. J'étais dorénavant convaincu que nous allions perdre la guerre.
La fin
Les médecins ne disposaient même pas d'une liste exacte des patients et encore moins de notes sur les cas. Les hommes des troupes auxiliaires russes leur avaient volé leur matériel médical et leur pharmacie, à commencer par les analgésiques. L'aumônier protestant de la 297e Division d'infanterie avait reçu une balle dans la nuque, tirée par un major soviétique alors qu'il se penchait sur un blessé.
Des milliers de prisonniers allemands qui sont envoyé dans des camps russes
Le fait demeure que, des 91 000 hommes faits prisonniers à la fin de la bataille de Stalingrad, près de la moitié étaient morts au printemps.
L'Armée rouge elle-même reconnut, dans des rapports ultérieurs, que les instructions don nées pour le traitement des prisonniers avaient été ignorées, et qu'il était impossible de dire combien de soldats allemands avaient été abattus lors de leur reddition ou peu après.
La misère et la détresse physique faisaient aussi jaillir le pire en certains prisonniers, qui exploitaient de façons éhontées la situation d'anciens camarades. Des voleurs dépouillaient à la fois les cadavres et les patients les plus faibles, leur arrachant dans l'obscurité montres, bijoux et même alliances.
Mais la nature se vengeait en exerçant une sorte de justice. La vermine infestant leur butin donnait rapidement le typhus aux voleurs. Ainsi, un interprète détrousseur de cadavres et de malades mourut sur un sac plein d'anneaux en or.