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Siège de Léningrad

 

  

Diorama du siège de Léningrad, figurant au Musée de la Grande guerre patriotique de Moscou

 

Date 8 septembre 1941 - 18 janvier 1944

Lieu Saint-Pétersbourg, URSS

Issue Victoire soviétique

 

                               Belligérants

Allemagne                                         Union soviétique
Finlande
Division Bleue

 

                               Forces en présence

750 000 Hommes                                    930 000 hommes

 

                                       Pertes

200 000 Hommes                              Militaires: 350 000 morts, 111 000 disparus

                                                           Civiles: 16 470 civils tués par les bombardements

                                                           environ. 1 000 000 morts de famine

 

Le siège de Léningrad désigne le siège de la métropole russe, aujourd'hui connue sous le nom Saint-Pétersbourg, par les Allemands au cours de la Seconde Guerre mondiale. L'opération allemande avait pour nom de code Operation Nordlicht (Aurore boréale). Le siège, d'une durée de 872 jours, débute le 8 septembre 1941 pour se terminer définitivement le 27 janvier 1944.

Les troupes allemandes arrivent devant les premières lignes de défense de Léningrad au début du mois de septembre. La prise de la ville, dont la défense est organisée par Joukov, se révèle vite impossible. Les Allemands renonçant à un assaut direct, décident de l'investir progressivement pour l'affamer, avec l'aide des Finlandais. Malgré des pertes humaines colossales, la ville résistera jusqu'à son dégagement en 1944, au cours du siège le plus long de l'histoire moderne.

 

 

Affiche soviétique: défendons la ville de Lénine

 

L'encerclement de Léningrad par les troupes allemandes et finlandaises n'a été que partiel et précaire. En effet, du ravitaillement parvenait aux Russes chaque hiver, en passant sur le lac Ladoga gelé, par la route de la vie, ce qui leur a permis de tenir mais un million de civils sont morts de faim pendant le siège.

 

L'attaque allemande

En juillet-septembre 1941, les troupes allemandes du groupe d'armées Nord, ayant vaincu la résistance des troupes soviétiques, foncèrent vers les faubourgs de Léningrad et le lac Ladoga, coupant la ville de l'arrière du pays. Le 4 septembre, les bombes commencèrent à tomber sur Léningrad. Le 8, la ville était presque entièrement encerclée. Aucun camion ne pouvant atteindre la ville, les ravitaillements durent se faire par la voie des airs et par le lac Ladoga. Mais le 9 novembre, la "chaussée" Moscou-Leningrad, nom donné au pont aérien qui reliait les deux cités, fut stoppée par les Allemands à Tikhvine. Il était vital pour les Soviétiques de trouver un moyen de ravitailler Léningrad. Aussi, le 6 décembre, de nouvelles routes de ravitaillement passant par Zaborie, Novaïa Ladoga et par le lac Ladoga (alors gelé) entrèrent en service.

 

Après des mois de préparation, les Soviétiques lancèrent une contre-offensive en février 1942. Elle fut arrêtée par la Wehrmacht. Hitler envoya von Kleist en Crimée avec son état-major et cinq divisions blindées, croyant que le reste de ses forces à Léningrad suffiraient amplement à conquérir la ville. À ce moment de la bataille, les Russes manquaient de tout : munitions, armes, vivres et matériel en tout genre. La famine fit son apparition chez les civils comme chez les soldats soviétiques, forçant les autorités à produire des ersatz.

 

 

Chars russes à Leningrad

 

L'enlisement

L'opération Nordlicht, supervisée par Hitler en personne, avait pour but d'enfoncer les défenses soviétiques de Léningrad. Mais celle-ci fut annulée car l'armée de Mannerheim ne put atteindre la ville à temps, retenue plus au nord. En août et en septembre 1942, le groupe d'armées du front de Volkhov tenta d'effectuer une jonction avec la IIIe armée, mais toutes ses tentatives échouèrent ; au même moment, l'Armée rouge avait engagé l'offensive Sinyavin. La contre-attaque soviétique de janvier 1943 échoua également. Hitler changea plusieurs fois le commandement de ses forces à Léningrad, beaucoup de ses généraux condamnaient cela mais n'intervinrent pas. Plusieurs officiers haut gradés furent également rappelés en Allemagne dans les mois qui suivirent.

 

La contre-attaque soviétique

Le siège s'éternisait et Léningrad devenait une ville fantôme. À la fin de 1943, les Russes reçurent d'importantes quantités d'armes provenant des nouvelles usines de l'ouest de l'Oural ainsi que des T-34 qui leur permirent de lutter contre les Panzer III et IV allemands. Ils reçurent également des camions surmontés de lance-roquettes, appelés « Orgues de Staline » par les Allemands et Katiouchas par les Russes. Avec ce nouveau matériel, une offensive était maintenant envisageable pour les Soviétiques. Une ultime réunion de préparation se tint à Smolny le 11 janvier. Le début de l'opération était prévu pour le 14 à partir du secteur d'Oranienbaum, l'attaque à partir de Poulkovo devant être lancée le 15. Le 14 janvier 1944, quatre armées russes réparties entre le lac Ilmen et le lac Ladoga (soit un front de 18 km) attaquèrent les positions allemandes. La résistance fut vive mais les généraux Meretskov (commandant de l'armée de Volkhov) et Govorov (commandant de l'armée de Léningrad) effectuèrent leur jonction le 25 janvier.

 

 

Char russe KV 1 touché plus de 30 fois avec un canon de 39 mm, il a été achevé avec des coups de 88 mm sur le côté

 

Le siège prit définitivement fin le 27 janvier 1944. En mars, les troupes allemandes étaient à 250 km de Léningrad. Ce blocus, qui fut le plus long de la guerre avec ses 31 mois (plus de 900 jours), coûta aux Soviétiques 1 800 000 hommes (dont plus d'un million de civils). Quant aux forces de l'Axe, elles déploraient la perte de 200 000 de leurs soldats.

 

 

Hitler discutant avec Carl Gustav Mannerheim et le président Risto Ryti ; l’ors d’une réunion à Imarta en Finlande à 200 km nord-ouest de Léningrad en 1942

 

Troupes  soviétiques en ski à l’entrée de l’Hermitage musée dans Léningrad

 

 

1, 496,000 personnes soviétiques ont reçus la médaille de la défense de Léningrad du 22 décembre 1942

 

À Leningrad, quatre mille personnes meurent de faim le jour de Noël 1941. La ville, coupée du reste de la Russie par les glaces et les panzers, subit le bombardement intensif et incessant de l'artillerie et de l'aviation allemande. Les vivres se font si rares  en ce premier hiver de siège qu certains en sont réduits à se nourrir de graisse pour machines. Pourtant, Léningrad va résister neuf cent jours.

 

 

 

Nous devons trouver n'importe quoi, déclare en substance Lazoutine. Nos savants ont résolu le problème pour les chevaux. Ils doivent maintenant y parvenir pour les hommes. Pour remplacer l'avoine, on utilise en effet un effroyable mélange de branches d'arbrisseaux, moulues et cuites, et de tourbe, de tourteaux et de sel. Les chevaux n'aiment guère cet ersatz qui, on s'en doute, ne leur fait pas de bien. Ce serait la même chose pour les hommes mais, de toute façon, la quantité de branches disponible dans les forêts qui ne sont pas encore devenues des champs de bataille serait tout à fait insuffisante pour nourrir trois millions d'hommes.
Il n'existe en quantité suffisante que deux produits apparemment sans intérêt alimentaire : la cellulose destinée à la fabrication du papier d'emballage et les graines de coton qui doivent, en principe, être utilisées comme combustible pour les chaudières des bateaux. Leur valeur nutritive est vraiment voisine de zéro, exception faite d'un pourcentage infime d'hydrates de carbone et de glucose. En outre, les graines de coton contiennent du gossypose, dangereux dérivé du glucose. Charkov, directeur de l'Institut scientifique, déclare alors à Lazoutine qu'il serait possible, avec le temps, de trouver le moyen de tirer des éléments comestibles de ces deux substances. Mais, ajoute-t-il, les expériences nécessaires exigent le rétablissement de la fourniture d'électricité à l'Institut. Vous aurez tout le courant que vous voudrez pendant une semaine, répond Lazoutine. Il faut que ce délai vous suffise pour réussir : le sort de Leningrad est entre vos mains.

 

 

Chercher de la nourriture

 

 

Essentiellement formées de femmes, d'enfants, d'infirmes et de malades, ces équipes fouillent sans relâche tous les endroits possibles : recoins d'entrepôts, de cales de bateau, de wagons de marchandises et de boutiques d'alimentation. On balaie et on ensache la poussière des moulins ; on secoue les sacs vides. On récupère le malt dans les fissures des murs et sous les planchers des brasseurs. On fait une découverte inespérée : 2 000 tonnes de boyaux de mouton. Ceux-ci, mélangés et hachés avec des poissons destinés à une fabrique de colle, de l'huile pour machines et un envoi de graines de lin, sont transformés en saucisses, en pâtés et en crêpes.
On repêche au fond de la Neva une cargaison de graines coulée par l'ennemi et l'on ajoute aux grains en train de germer des cosses de riz, de la poussière de cacao et de la paille hachée menu pour fabriquer une sorte de farine qu'achètent ceux qui disposent encore d'un moyen quelconque pour la faire cuire.
On transforme la levure en potage et le savon en gelée. On achève les chevaux en train de crever d'inanition et on envoie leur viande à des usines où, mélangée à du salpêtre, du poivre, de l'ail et du cuir broyé, elle est transformée en saucisses. On fait du bouillon avec des algues et un innommable ersatz de lait avec une horrible mixture de boyaux de chats et de moutons cuits et relevés d'huile de girofle.

 

Les fosses d'aisances

 

 

Dès le début du siège, les bombardements ont mis les égouts hors d'usage. Et les responsables n'ont pas jugé bon d'accorder la priorité à la remise en état des canalisations et des stations de pompage et de filtrage. On enterre donc les excréments ou on les rassemble dans des maisons où ils gèlent, ce qui écarte tout risque immédiat d'infection.
Pourtant, il faut bientôt se résoudre à creuser des fosses d'aisances. Les femmes et les enfants s'y emploient, mais certains sont si faibles qu'ils s'écroulent, tombent dans le trou qu'ils viennent d'achever et meurent, aussitôt recouverts par le contenu des tinettes charriées dans les rues.
Lorsque cela se produit, note une femme qui a souvent assisté à de telles horreurs, tout le monde se précipite et fouille les immondices pour retrouver la carte d'alimentation du défunt, non point avec l'idée de la voler, mais parce que ce document, remis aux services publics, représente une augmentation infime de la ration alimentaire de chacun.
Malgré tout, les travaux les plus durs sont aussi les plus recherchés. On juge honteux de vivre dans l'oisiveté en mangeant le pain des gens utiles, mais il faut bien dire aussi que plus on travaille dur, plus les allocations de vivres sont importantes. Pourtant, même dans les équipes de travailleurs ou dans l'armée — privilégiée à cet égard — on meurt beaucoup de faim pendant les trois mois tragiques: octobre, novembre et décembre 1941.

 

L'hôpital

 

L’hôpital de Léningrad durant le siège

 

Tous les moyens de transport disponibles servent à l'évacuation des malades et des blessés du front. La plupart du temps, on utilise des charrettes tirées par des civils. Parfois un convoi de camions, qui ne cessent d'ailleurs de tomber en panne à cause de la déplorable qualité de l'essence, entre en ville avec des centaines de victimes. Au service d'admission des hôpitaux, rares sont les infirmiers encore assez forts pour arriver à décharger les véhicules de leur misérable chargement humain. Un étudiant en médecine nous donne à ce propos un témoignage hallucinant : Transporter deux cents soldats mourants de la rue à l'étage a pris sept heures. L'hôpital lui-même ressemble à quelque épouvantable chambre de torture médiévale. La plupart du temps, la température des salles est inférieure à O°C. On couche les malades tout habillés.

 

 

Des cadavres dans les rues de Léningrad durant le siège

 

On empile des couvertures et des matelas sur eux. La nuit, l'eau gèle dans les brocs. La faim donne la diarrhée aux patients, mais la plupart n'ont même pas la force d'utiliser les bassins. Les draps sont raides de crasse : il n'y a pas d'eau pour les laver. Il n'existe qu'un seul médicament : le bromure de sodium, que les médecins utilisent comme une panacée en le prescrivant sous des noms aussi divers que fantaisistes...
Les baignoires et les bassins débordent d'excréments et d'ordures, qui gèlent immédiatement. C'est à peine si les membres du service de santé tiennent encore sur leurs jambes, tant ils sont minés par la faim, le froid et la fatigue.

 

La route du lac

L'épreuve continue au seuil de l'année 1942 mais on réussit maintenant à évacuer les habitants les plus malades. Certains partent à bord d'avions ou de camions qui vont chercher des vivres. D'autres essaient de traverser le lac gelé par leurs propres moyens. Pour beaucoup, hélas ! il est trop tard et la mort les emporte avant qu'ils aient atteint le salut.
De toute façon, ces départs améliorent le bilan alimentaire de la ville. Si l'administration a théoriquement institué un contrôle étroit des évacuations, elle ferme en réalité les yeux : tout départ, autorisé ou non, ne signifie-t-il pas une bouche de moins à nourrir? Fin décembre 1941, 35 000 personnes sont déjà parties. Ce chiffre continuera de s'accroître l'année suivante.

 

 

Le journal de Tanya Savicheva, une jeune fille de 11 ans, ses notes au sujet de la famine et la mort de sa grand-mère, puis son oncle, mère, frère puis le dernier enregistrement  en disant : Elle est morte progressivement de dystrophie peu après le siège. Son journal a été présenté au procès de Nuremberg.

 

Par une espèce d'ironie tragique du sort, le besoin de travailleurs s'accroît sans cesse, alors que les gens fuient la ville, et la reconstruction des routes et des ponts ainsi que le transport des marchandises par le lac se trouvent ralentis. Jdanov lance alors une pathétique exhortation à ceux qui entretiennent et utilisent la route tracée sur les glaces du lac Ladoga :


Chers camarades, la route du lac fonctionne toujours aussi mal. Elle ne fournit que le tiers environ des besoins quotidiens en vivres et en carburant de Leningrad et de l'armée, bien que ces besoins aient été réduits au strict minimum. Cela signifie que l'approvisionnement de la ville et du front ne tient qu'à un fil, alors que la population et les troupes subissent déjà d'effroyables privations.
Cette situation est d'autant plus intolérable que les approvisionnements nécessaires sont à portée de la main. Aussi est-ce à vous, et à vous seuls, qu'il appartient d'améliorer cet état de choses. Allez donc au travail, comme des patriotes soviétiques se doivent de le faire, en y mettant tout votre coeur et sans ménager vos forces...

Personne n'ayant plus de forces à ménager, on pourrait croire que les travailleurs se contentent de rire jaune. Erreur, car Jdanov a vu juste. Ses reproches et son appel au coeur des ouvriers obtiennent l'effet souhaité. Les chauffeurs des camions qui tombent sans cesse en panne se donnent encore plus de mal pour réviser leurs véhicules avant de se mettre en route. On organise des compétitions entre conducteurs pour déterminer lequel fera trois allers et retour dans sa journée.
Tout le monde s'ingénie à combler les fissures dans la glace. On reconnaît de nouveaux itinéraires. On remet en état des chasse-neige abandonnés, parce qu'inutilisables, en les réparant avec des pièces récupérées à la ferraille. Pour déchaîner cette énergie et cet enthousiasme, il a suffi de quelques dizaines de grammes de pain supplémentaires par jour, d'une distribution de viande en conserve, de l'appel de Jdanov et, bien entendu, de l'espoir qui commence à poindre.

 

Souhaiter la mort de ses parents

 

La famine durant le siège

 

Les décès et les évacuations ont fait tomber la population à moins de un million d'habitants et, au printemps 1942, les vivres arrivent en quantité suffisante pour assurer trois repas à peu près normaux par jour aux enfants. Mais ces derniers seront à jamais marqués.
L'un d'eux, devenu adulte, déclarera : Je regardais mon père et ma mère mourir, et je savais parfaitement qu'ils mouraient de faim. Mais j'aimais mieux avoir leur ration que les voir vivre. Et ils ne l'ignoraient pas. C'est tout ce que j'ai retenu du siège : on souhaitait la mort de ses parents pour pouvoir manger leur pain.

 

 

 

 

 

 



15/09/2012
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